Le merveilleux voyage d'une fleur de givre
Il était une fois une fleur de givre, qui était très fière. Elle était si belle qu'elle croyait être la perfection même. Rien ne comptait à part elle, du moins le croyait-elle. De ce fait, elle était fort contente de la vie qu'elle menait.
Un jour, elle eut la visite d'un oiseau que l'on n'avait encore jamais vu en ces lieux. Il lui parla de pays lointains, de belles et vastes vallées, de montagnes, du murmure de cascades et d'eaux écumantes. Mais la fleur de givre refusa de le croire et dit à l'oiseau : "Va-t-en, laisse-moi tranquille, je ne veux rien savoir de tout cela. Pourquoi es-tu venu troubler ma paix ?"
L'oiseau en fut bien triste, ne comprenant pas pourquoi elle se montrait si froide envers lui. Elle n'avait pas de cœur !
Pour fuir cette froideur, il s'envola vers le soleil, au-dessus des montagnes, planant dans le ciel bleu. Enfin, il se posa sur la plus haute montagne et raconta à tous ceux qui étaient prêts à l'écouter ce qui lui était arrivé avec cette fleur qui était si fière et dont le cœur était de glace.
C'est ainsi que le soleil apprit l'existence de cette fleur. Il décida donc de partir à sa recherche. Il dut se glisser tantôt ici, tantôt là avant de trouver la fière fleur de givre. La caressant tendrement, il posa sur elle un léger baiser, et disparut.
La fleur de givre ne savait pas ce qui lui était arrivé. Un sentiment qu'elle n'avait encore jamais éprouvé l'envahit. Comme elle aurait à présent souhaité parler à l'oiseau ! Mais il était loin et elle était seule, abandonnée à sa solitude.
Les jours passèrent, et avec eux l'assurance de la petite fleur de givre, qui fondait chaque jour un peu plus lorsqu'un rayon de soleil l'effleurait. Elle devenait de plus en plus petite et était loin d'être aussi belle et parfaite qu'elle croyait l'être autrefois.
Un jour où le soleil avait envoyé vers elle des rayons ardents, la fleur de givre pleura de douleur. Elle ne comprenait toujours pas ce qui lui arrivait. "L'heure est venue pour toi d'abandonner ta rigidité", lui cria un rayon de soleil, "oublie-toi et tu vivras miracle sur miracle."
Une si grande chaleur l'envahit qu'elle se mit à fondre. Une grosse larme coula et s'effondra. Tout à coup, elle s'aperçut qu'elle n'était plus aussi seule qu'elle le croyait. De tous les côtés des gouttes et des gouttelettes se joignaient à elle, et en leur compagnie elle descendait des pentes abruptes, culbutait par-dessus des pierres moussues jusqu'en bas dans la vallée verdoyante.
La première petite source qu'elles rencontrèrent les salua avec joie : "Venez avec moi, venez avec moi", leur cria-t-elle. Toutes les gouttes et gouttelettes firent alors un voyage qui les conduisit encore plus loin dans la vallée.
Là-bas, le printemps avait fait son entrée depuis longtemps. Entourée de merveilleuses senteurs, la fleur de givre était comme enivrée. Elle n'avait qu'un seul désir : "Que tout cela ne passe pas si vite !" Elle aurait tant souhaité s'attarder un peu ici ou là.
Mais le voyage se poursuivait à travers de vertes forêts sombres, des prairies en fleurs, jusqu'à ce que le ruisseau se ralentisse avant d'être accueilli par un petit lac.
Le ruisseau dit alors à la fleur de givre : "Si tu ne veux plus m'accompagner plus loin, tu peux rester ici. Mais moi, je dois partir au plus vite. Si tu veux rester, il faut que tu t'accroches". "M'accrocher ?" demanda la fleur de givre, "mais comment ? Je ne suis plus rien." Elle entendit alors une voix lui dire : "Si maintenant tu t'abandonnes entièrement pour te donner à moi, je te garderai auprès de moi à jamais."
C'est ainsi que notre fleur de givre rencontra l'amour pour la première fois de sa vie.
Son seul désir était celui de se fondre entièrement dans ce petit lac et de faire un avec lui. Elle resta donc.
Des jours s'écoulèrent. La fleur de givre se sentait chez elle dans le petit lac. Un beau ciel bleu se reflétait dans l'eau, la lumière du soleil l'effleurait et caressait tout ce qui se trouvait à portée de ses rayons : les fleurs de toutes couleurs, les milliers de brins d'herbe dans leur diversité et les sapins majestueux, où les oiseaux saluaient la venue du jour en jubilant. Emerveillée par tant de beauté, elle se souvint de l'oiseau qui lui avait un jour raconté toutes ces merveilles. Elle ressentait alors le désir de le revoir, elle aurait tant voulu lui parler de son bonheur et lui dire qu'elle attendait chaque jour avec joie. La vie ne faisait que commencer et déjà elle éprouvait un si grand bonheur que le petit lac lui sembla soudain bien petit. Elle voulait fuir cet endroit paisible pour s'abandonner à la liberté, pour voyager dans l'univers.
Le soir tomba, le soleil descendait derrière les montagnes, la lune se levait et se reflétait, elle aussi, dans le petit lac. La fleur de givre l'implora : "Chère lune, laisse-moi t'accompagner sur ta route pour que je puisse tout voir et tout vivre." La lune répondit : "Je ne peux pas. Je ne suis que lumière. Mais quand la nuit viendra, elle t'emportera."
Et il en fut ainsi. La nuit envoya ses serviteurs dévoués qui, avant la levée du jour, répandaient la rosée sur les prés et les fleurs.
Lorsque le soleil illumina toute la vallée, la petite fleur de givre s'était transformée en une perle de rosée. Elle reposait dans le calice d'une gentiane et scintillait tel un diamant. Comme elle aimait cette fleur et comme cette fleur répondait à son amour !
Le soleil vit à quel point la petite fleur de givre avait changé, elle qui était si froide autrefois ! Il voyait que celle-ci se donnait à tout ce qui l'entourait : les fleurs des prés, les bourdons qui lui rendaient visite, les oiseaux qui la saluaient du haut du ciel, et avant tout à la chaleur de ses rayons et à sa lumière d'or qui éclairait le monde entier, jour après jour.
C'est ainsi que le soleil attira jusqu'à lui la petite perle de rosée, autrefois fleur de givre, et lui dit : "Je vois que tu as appris à t'oublier pour penser aux autres. Je sais que ton vœu le plus cher est de connaître le monde entier, tu voudrais tout vivre et tout voir. Je vais maintenant te déposer sur un petit nuage blanc. Tu pourras alors entreprendre avec lui un long voyage. Mais à la première pluie tu tomberas dans la vallée avec des milliers d'autres gouttes et tu seras pour tous une bénédiction."
La petite fleur de givre entreprit alors ce long voyage sur le petit nuage blanc. Elle vit le monde entier, du lever au coucher du soleil, et du coucher du soleil à son lever. Elle fit la connaissance du vent, qui devint son fidèle compagnon.
Un jour, elle aperçut dans le vent son ami d'antan, l'oiseau. Elle l'appela, mais il ne la vit pas et ne l'entendit pas davantage, tant il se réjouissait d'être porté par le vent. Au cours du voyage, le nuage blanc devenait de plus en plus sombre, de plus en plus lourd, et se déversa sur la terre à un endroit où la pluie fut saluée avec une profonde gratitude par toutes les créatures.
La fleur de givre cherchait à se souvenir. Il lui semblait reconnaître au loin le petit lac qui l'avait si gentiment accueillie au début de sa vie. Elle s'y rendit donc en toute hâte. Et c'est dans ce petit lac que vous la trouverez encore.
d'après un conte de Rita Reynders-Bäumle .
Les deux pigeons :
Deux Pigeons s'aimaient d'amour tendre.
L'un d'eux s'ennuyant au logis
Fut assez fou pour entreprendre
Un voyage en lointain pays.
L'autre lui dit : Qu'allez-vous faire ?
Voulez-vous quitter votre frère ?
L'absence est le plus grand des maux :
Non pas pour vous, cruel. Au moins que les travaux,
Les dangers, les soins du voyage,
Changent un peu votre courage.
Encore si la saison s'avançait davantage !
Attendez les zéphyrs : qui vous presse? Un Corbeau
Tout à l'heure annonçait malheur à quelque Oiseau.
Je ne songerai plus que rencontre funeste,
Que Faucons, que réseaux . Hélas, dirai-je, il pleut :
Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut,
Bon soupé, bon gîte, et le reste ?
Ce discours ébranla le cœur
De notre imprudent voyageur ;
Mais le désir de voir et l'humeur inquiète
L'emportèrent enfin. Il dit : Ne pleurez point :
Trois jours au plus rendront mon âme satisfaite ;
Je reviendrai dans peu conter de point en point
Mes aventures à mon frère.
Je le désennuierai :quiconque ne voit guère
N'a guère à dire aussi. Mon voyage dépeint
Vous sera d'un plaisir extrême.
Je dirai : J'étais là ; telle chose m'aveint ;
Vous y croirez être vous-même.
A ces mots en pleurant ils se dirent adieu.
Le voyageur s'éloigne ; et voilà qu'un nuage
L'oblige de chercher retraite en quelque lieu.
Un seul arbre s'offrit, tel encor que l'orage
Maltraita le Pigeon en dépit du feuillage.
L'air devenu serein, il part tout morfondu,
Sèche du mieux qu'il peut son corps chargé de pluie,
Dans un champ à l'écart voit du blé répandu,
Voit un Pigeon auprès : cela lui donne envie :
Il y vole, il est pris : ce blé couvrait d'un las
Les menteurs et traîtres appas.
Le las était usé : si bien que de son aile,
De ses pieds, de son bec, l'oiseau le rompt enfin.
Quelque plume y périt : et le pis du destin
Fut qu'un certain vautour à la serre cruelle,
Vit notre malheureux qui, traînant la ficelle
Et les morceaux du las qui l'avaient attrapé,
Semblait un forçat échappé.
Le Vautour s'en allait le lier, quand des nues
Fond à son tour un aigle aux ailes étendues.
Le Pigeon profita du conflit des voleurs,
S'envola, s'abattit auprès d'une masure,
Crut, pour ce coup, que ses malheurs
Finiraient par cette aventure ;
Mais un fripon d'enfant, cet âge est sans pitié
Prit sa fronde, et, du coup, tua plus d'à moitié
La Volatile malheureuse,
Qui, maudissant sa curiosité,
Traînant l'aile et tirant le pié,
Demi-morte et demi-boiteuse,
Droit au logis s'en retourna :
Que bien, que mal elle arriva
Sans autre aventure fâcheuse.
Voilà nos gens rejoints ; et je laisse à juger
De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines.
Amants, heureux amants , voulez-vous voyager?
Que ce soit aux rives prochaines ;
Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau,
Toujours divers, toujours nouveau ;
Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste.
J'ai quelquefois aimé : je n'aurais pas alors
Contre le Louvre et ses trésors,
Contre le firmament et sa voûte céleste,
Changé les bois, changé les lieux
Honorés par les pas, éclairés par les yeux
De l'aimable et jeune bergère
Pour qui, sous le fils de Cythère ,
Je servis, engagé par mes premiers serments.
Hélas! Quand reviendront de semblables moments?
Faut-il que tant d'objets si doux et si charmants
Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète?
Ah! si mon cœur osait encor se renflammer!
Ne sentirai-je plus de charme qui m'arrête?
Ai-je passé le temps d'aimer?
Jean de La Fontaine
Le Tour du monde en 80 jours.
Qui témoigne une fois de plus de l’inutilité des passeports en matière de police.
L'inspecteur redescendit sur le quai et se dirigea rapidement vers les bureaux du consul. Aussitôt, et sur sa demande pressante, il fut introduit près de ce fonctionnaire.
« Monsieur le consul, lui dit-il sans autre préambule, j'ai de fortes présomptions de croire que notre homme a pris passage à bord du Mongolia. » Et Fix raconta ce qui s'était passé entre ce domestique et lui à propos du passeport. « Bien, monsieur Fix, répondit le consul, je ne serais pas fâché de voir la figure de ce coquin. Mais peut-être ne se présentera-t-il pas à mon bureau, s'il est ce que vous supposez. Un voleur n'aime pas à laisser derrière lui des traces de son passage, et d'ailleurs la formalité des passeports n'est plus obligatoire.
- Monsieur le consul, répondit l'agent, si c'est un homme fort comme on doit le penser, il viendra !
- Faire viser son passeport ?
- Oui. Les passeports ne servent jamais qu'à gêner les honnêtes gens et à favoriser la fuite des coquins. Je vous affirme que celui-ci sera en règle, mais j'espère bien que vous ne le viserez pas...
- Et pourquoi pas ? Si ce passeport est régulier, répondit le consul, je n'ai pas le droit de refuser mon visa.
- Cependant, monsieur le consul, il faut bien que je retienne ici cet homme jusqu'à ce que j'aie reçu de Londres un mandat d'arrestation.
- Ah ! cela, monsieur Fix, c'est votre affaire, répondit le consul, mais moi, je ne puis... »
Le consul n'acheva pas sa phrase. En ce moment, on frappait à la porte de son cabinet, et le garçon de bureau introduisit deux étrangers, dont l'un était précisément ce domestique qui s'était entretenu avec le détective. C'étaient, en effet, le maître et le serviteur. Le maître présenta son passeport, en priant laconiquement le consul de vouloir bien y apposer son visa.
Celui-ci prit le passeport et le lut attentivement, tandis que Fix, dans un coin du cabinet, observait ou plutôt dévorait l'étranger des yeux. Quand le consul eut achevé sa lecture :
« Vous êtes Phileas Fogg, esquire ? demanda-t-il.
- Oui, monsieur, répondit le gentleman.
- Et cet homme est votre domestique ?
- Oui. Un Français nommé Passepartout.
- Vous venez de Londres ?
- Oui.
- Et vous allez ?
- A Bombay.
- Bien, monsieur. Vous savez que cette formalité du visa est inutile, et que nous n'exigeons plus la présentation du passeport ?
- Je le sais, monsieur, répondit Phileas Fogg, mais je désire constater par votre visa mon passage à Suez.
- Soit, monsieur. »
Et le consul, ayant signé et daté le passeport, y apposa son cachet. Mr. Fogg acquitta les droits de visa, et, après avoir froidement salué, il sortit, suivi de son domestique.
« Eh bien ? demanda l'inspecteur.
- Eh bien, répondit le consul, il a l'air d'un parfait honnête homme !
- Possible, répondit Fix, mais ce n'est point ce dont il s'agit. Trouvez-vous, monsieur le consul, que ce flegmatique gentleman ressemble trait pour trait au voleur dont j'ai reçu le signalement ?
- J'en conviens, mais vous le savez, tous les signalements...
- J'en aurai le cœur net, répondit Fix. Le domestique me paraît être moins indéchiffrable que le maître. De plus, c'est un Français, qui ne pourra se retenir de parler. A bientôt, monsieur le consul. »
De Jules Verne édité par John Walker
Cela dit, l'agent sortit et se mit à la recherche de Passepartout.
Cependant Mr. Fogg, en quittant la maison consulaire, s'était dirigé vers le quai. Là, il donna quelques ordres à son domestique ; puis il s'embarqua dans un canot, revint à bord du Mongolia et rentra dans sa cabine. Il prit alors son carnet, qui portait les notes suivantes :
« Quitté Londres, mercredi 2 octobre, 8 heures 45 soir.
« Arrivé à Paris, jeudi 3 octobre, 7 heures 20 matin.
« Quitté Paris, jeudi, 8 heures 40 matin.
« Arrivé par le Mont-Cenis à Turin, vendredi 4 octobre, 6 heures 35 matin.
« Quitté Turin, vendredi, 7 heures 20 matin.
« Arrivé à Brindisi, samedi 5 octobre, 4 heures soir.
« Embarqué sur le Mongolia, samedi, 5 heures soir.
« Arrivé à Suez, mercredi 9 octobre, 11 heures matin.
« Total des heures dépensées : 158 1/2, soit en jours : 6 jours 1/2. »
Mr. Fogg inscrivit ces dates sur un itinéraire disposé par colonnes, qui indiquait -- depuis le 2 octobre jusqu'au 21 décembre -- le mois, le quantième, le jour, les arrivées réglementaires et les arrivées effectives en chaque point principal, Paris, Brindisi, Suez, Bombay, Calcutta, Singapore, Hong-Kong, Yokohama, San Francisco, New York, Liverpool, Londres, et qui permettait de chiffrer le gain obtenu où la perte éprouvée à chaque endroit du parcours.
Ce méthodique itinéraire tenait ainsi compte de tout, et Mr. Fogg savait toujours s'il était en avance ou en retard. Il inscrivit donc, ce jour-là, mercredi 9 octobre, son arrivée à Suez, qui, concordant avec l'arrivée réglementaire, ne le constituait ni en gain ni en perte. Puis il se fit servir à déjeuner dans sa cabine. Quant à voir la ville, il n'y pensait même pas, étant de cette race d'Anglais qui font visiter par leur domestique les pays qu'ils traversent.
Le voyage d’Ulysse et ses interprétations
Les Sirènes
D’abord tu croiseras les Sirènes qui ensorcellent
tous les hommes, quiconque arrive en leurs parages.
L’imprudent qui s’approche et prête l’oreille à la voix
de ces Sirènes, son épouse et ses enfants
ne pourront l’entourer ni fêter son retour chez lui.
Car les Sirènes l’ensorcellent d’un chant clair,
assises dans un pré, et l’on voit s’entasser près d’elles
les os des corps décomposés dont les chairs se réduisent.
Odyssée, XII, 39-46
Sur les conseils de Circé, Ulysse a bouché les oreilles
de ses compagnons avec de la cire afin qu’ils n’entendent
pas le chant ensorcelant des Sirènes. Lui peut les écouter,
mais doit avoir les pieds et les mains liés au mât du navire.
Ses hommes font preuve d’une sagesse exemplaire et
n’ôtent pas la cire de leurs oreilles.
Eustathe*** transpose les rapports d’Ulysse et de ses
compagnons sur un plan philosophique : la cire représente
les leçons du maître, qui permettent au disciple d’acquérir
une âme solide et de ne pas succomber aux sollicitations
qui pourraient lui être néfastes. S’il tient ses compagnons
à l’écart de cette expérience à laquelle ils ne sauraient
résister seuls, Ulysse fait l’expérience de ce plaisir
dangereux mais surmonte l’épreuve grâce aux précautions
prises. Les cordes, qui immobilisent ses membres et
le retiennent, représentent les liens de la sagesse : elles
relient symboliquement l’âme d’Ulysse à la philosophie,
et font de lui une figure de sage. La cire serait elle-même
la philosophie : placée dans les oreilles, elle évite à l’âme
de se laisser envahir par la tentation. Eustathe fournit
également une explication au chant des Sirènes qui
retentissent sur les eaux : les riverains installaient selon lui
des flûtes devant les irrégularités des rochers de la côte ;
le souffle d’air montant des rochers créait un son que
les marins écoutaient après s’être arrêtés.
Pour Victor Bérard, les Sirènes se trouvaient selon les
Anciens sur la côte tyrrhénienne de l’Italie, où des rochers
portèrent jusqu’à l’époque romaine le nom d’îles Sirénuses.
Non loin de Palinuro, une grotte uniquement visible de la mer
contiendrait des tas d’ossements fossilisés à l’éclat blanc,
qui rappelleraient les corps des marins ayant succombé
au chant des Sirènes.
( Ulysse et les Sirènes : L’Odyssée, Lithographie de Marc Chagall, 1974-1975. )